Personne ne veut d’une culture d’équipe toxique du type abusive et non inclusive. De l’autre côté du spectre, une culture trop axée sur les relations entre les gens où l’acceptabilité des membres par l’équipe supprime les autres considérations est aussi contreproductive et toxique.
Certes, on recherche des équipes où les gens sont gentils, bienveillants et empathiques. Une équipe devient trop gentille lorsque ses membres ne sont plus en mesure de se dire les vraies choses de peur de déplaire.
Tessa West, professeure de psychologie à l’Université de New York s’est intéressée à la question (1). Elle a recours aux critères suivants pour identifier une culture où la gentillesse est devenue toxique.
Dans les cultures où la gentillesse devient toxique, West observe également une utilisation abusive de phrases du type : « On s’aime tellement! », « C’est extraordinaire de travailler ensemble! ». Des renforcements de l’importance du climat d’équipe et de la crucialité de l’acception des uns par les autres.
L’emphase démesurée sur les relations entre les membres de l’équipe nuit à la productivité en détournant l’attention de la raison d’être du groupe (contribuer à la réalisation de biens ou services). Autre enjeu : l’équipe ne tient personne imputable ; personne ne veut être celle ou celui qui demandera des comptes à un collègue.
La notion des promotions devient aussi fragilisée. Il n’est pas souhaitable que d’excellents techniciens soient promus gestionnaires sur la seule base de leur savoir-faire. C’est le cas lorsque leurs habiletés de leadership ne sont pas au rendez-vous. Il en est de même à l’idée de promouvoir quelqu’un qu’en fonction de sa « cote d’amour » dans l’équipe. C’est tout aussi improductif. C’est pourtant observé dans des cultures toxiquement gentilles. Il devient alors très difficile pour le gestionnaire recruté (et possiblement évalué) pour sa popularité de prendre des décisions difficiles et impopulaires.
Le règne de « la langue de bois » dans l’équipe où les gens sont paralysés devant le risque de nommer leurs insatisfactions crée des enjeux de culture. Cela nourrit une culture passive agressive où les gens laissent comprendre leurs positions via un langage non verbal. Ils utilisent également des insinuations et parfois des alliances entre collègues. Des délais peuvent alors être générés et des erreurs évitables (anticipés par certains) continuent leur chemin sans interruption.
S’abstenir de partager des commentaires constructifs (d’amélioration) entre collègues et parfois de la part du patron privent ne sert personnes. Cela prive les équipiers d’occasions d’apprentissage et d’amélioration continue. Une telle culture devient aussi risquée pour les membres qui échapperaient des commentaires d’exaspération. Les jugements des collègues pourraient arriver rapidement.
En présence d’une culture toxique du type trop gentille, un sentiment d’inconfort s’installe chez les équipiers. On réalise qu’on ne sait plus si les gens disent vraiment ce qu’ils pensent. Des doutes naissent. La sécurité psychologique, soit la croyance partagée par les membres de l’équipe qu’il est possible de divulguer le fond de sa pensée sans risque de représailles est compromise.
Les équipes qui souhaitant se sortir de cette réalité toxique se recentreront sur l’objectif de se dire les vraies choses. Pour se faire, elles développeront leur confort à être en présence de désaccords. Initialement, elles exprimeront différentes opinions factuelles. Elles accroitront ensuite l’intensité en s’impliquant émotivement dans la discussion : pourquoi cela est important pour moi.
Les équipes devront apprendre à se donner de la rétroaction. Il n’est pas question ici de dire à quelqu’un : « ce n’est pas bien ce que tu as fait! » mais bien : « J’observe que…. Cela a pour incidence de… Voyons comment nous pourrions faire autrement une prochaine fois. ».
Les membres de l’équipe pourront faciliter le tout en se demandant de la rétroaction notamment d’amélioration les uns les autres. Exemple : « Tu seras à ma présentation tantôt. Une fois terminée, j’aimerais que tu me partages tes commentaires, notamment une chose que je pourrais améliorer la prochaine fois. »
Le leader jouera un rôle crucial soit celui de recentrer l’équipe sur sa raison d’être d’affaires en réitérant les objectifs et partageant des messages clairs. Il faudra aussi (ré)instaurer les notions d’imputabilités individuelle et collective dans l’équipe.
Nourrir une culture de gentillesse excessive dans une équipe de travail n’est pas souhaitable, cela se fait au dépend de l’évolution des membres de l’équipe et de la productivité l’entreprise. Définitivement oui à une culture bienveillante et empathique. Une telle culture demeure fonctionnelle et souhaitée tant que les gens se sentent à l’aise d’exprimer vraiment leurs idées sans crainte d’être jugés. Lorsque cette ligne est traversée, on réfère alors à une culture toxique.
[Auteur(e)] Annie Boilard
Annie Boilard, BAA, MBA, M. Sc., CRHA, est présidente du Réseau Annie RH. Elle œuvre en formation (développement des compétences) depuis bientôt 20 ans. En plus d’être une professionnelle en ressources humaines et une animatrice séniore, elle est une entrepreneure et une gestionnaire d’entreprise (et d’équipe) expérimentée. Au quotidien, Annie travaille à titre de formatrice et de coach auprès de leaders et de professionnels afin de développer leurs compétences comportementales et leurs habiletés à travailler ensemble. Elle est également chroniqueuse sur 4 stations de radio hebdomadairement, conférencière, blogueuse, notamment pour Les Affaires et auteure. Elle est souvent interpellée à titre d’experte sur la vie au travail, le monde du travail, le leadership et la gestion des ressources humaines. |
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