L’holacratie, un nouveau modèle de gestion, fonde sa philosophie sur la formalisation de l’intelligence collective et la responsabilisation des employés (1). Elle cherche à rendre les entreprises plus agiles, efficaces et évolutives. Ce modèle se concentre sur les défis (les missions à réaliser) plutôt que sur les rôles et les postes. Cette approche de leadership s’efforce de répondre aux enjeux de mobilisation et de vitesse de réaction auxquels les organisations font face.
En holacratie, l’entreprise se structure autour de “cercles”, chaque activité principale étant représentée par un grand cercle. Chaque individu participe à plusieurs cercles en fonction de ses compétences et des besoins de l’organisation.
Ainsi, l’objectif est de recentrer les individus sur le travail à réaliser, de ramener le pouvoir de décision au plus proche du terrain, et de rendre chacun plus responsable dans une logique d’intrapreneuriat. En d’autres termes, un leadership holacratique vise une prise de décision agile tout en évitant le chaos.
Une impression de déjà-vu… vous trouvez que cela ressemble aux équipes auto-gérées, au lean management, aux entreprises agiles et aux entreprises libérées! Effectivement, l’holacratie se situe dans le même courant de pensée. Elle se différencie toutefois par son ambition de redonner le pouvoir à l’organisation (et non pas aux individus) et sa vision de la structure hiérarchique.
L’holacratie prône la fin des intitulés de postes, du management traditionnel et l’absence de hiérarchie. Les cercles sont animés par des « mentors » qui n’ont pas de pouvoir hiérarchiques direct sur les employés. Mais les affecteront à des missions sans pour autant avoir le pouvoir de leur dire comment faire les choses.
Source image : Business Insider
Ces rôles sont endossés par des employés qui possèdent les capacités et la volonté de le faire. L’autorité ne provient plus du supérieur hiérarchique ou du poste que ce dernier occupe, elle émane du rôle. Le fait d’être investi d’un rôle donne temporairement à la personne concernée pleine autonomie et plein pouvoir sur son travail. Cette dernière devra évidemment respecter les limites de ce rôle sans empiéter sur le rôle du prochain, et rendre des comptes quant aux résultats à atteindre;
Un cercle n’est pas restreint à une fonction de l’entreprise (comptabilité, ventes, marketing, ressources humaines, etc.). Il regroupe plusieurs compétences afin de remplir au mieux le rôle qui lui est assigné. Les cercles s’imbriquent hiérarchiquement au sein de l’organisation telle une poupée gigogne (poupées russes). Des représentants des cercles inférieurs sont également représentés dans les cercles supérieurs.
…en concordance avec les décisions prises par les cercles constitués au niveau supérieur. À l’intérieur du cercle, les employés ont la possibilité d’énoncer des propositions. Cela permettra de résoudre les problèmes qui surviennent quant à l’alignement entre les objectifs visés et les résultats constatés.
Une tension existe dès qu’un écart survient entre la situation que vit un collaborateur et un “potentiel”. En effet, un problème avec un collègue alors que cela pourrait bien se passer, un prospect qu’on n’arrive pas à transformer en client, un rôle dans le cercle qui n’est plus adéquat en l’état… C’est en réunion que sont évoquées les tensions. Tous les collaborateurs ont l’occasion de s’exprimer et de faire des propositions. Si la proposition ne risque pas d’amplifier le problème, elle est adoptée. Il n’est pas question de sonder tout le monde pour étudier d’autres solutions et tergiverser pendant longtemps. C’est ainsi que toutes les décisions sont prises de manière rapide et fluide.
De plus, 3 types de réunions sont prévues pour faire disparaître les tensions (5)
Ces réunions sont organisées périodiquement afin de faire l’inventaire des tensions qu’ont les employés dans leur rôle et de définir un plan d’action pour les supprimer.
…qui constitue dans les faits les “règles du jeu” auxquelles tous et chacun sont astreints.
Le président de l’entreprise est le premier concerné en matière de défi ; il devra faire preuve d’humilité et accepter de perdre du pouvoir. Il devra céder son autorité aux ‘’règles du jeu’’. Le pouvoir ne sera plus entre ses mains, mais dans ces règles, matérialisées par une constitution. Même chose pour la vision de l’entreprise. L’holacratie requiert que le dirigeant se départisse de la croyance qu’un bon leader est un bon visionnaire. Il devra prendre conscience que, aussi brillant qu’il soit, il ne pourra maîtriser toute la complexité de son activité et du monde dans laquelle elle s’insère. Ce qui définit le chemin à prendre par l’entreprise, ce n’est pas le dirigeant, mais la réalité.
La perte de pouvoir des gestionnaires dans l’ensemble, la lourdeur de la création des règles du jeu (la constitution) et la perte de repère pour les employés demeurent de grands défis dans l’implantation de l’holacratie.
En conclusion, l’holacratie rencontre des limites. Le système mis en place pour remplacer la hiérarchie formalise les façons de faire, crée des délais et de la bureaucratie. Certains témoignent qu’avec l’holacratie, les individus se retrouvent à moyen terme dans une situation similaire qu’avec un système hiérarchique mais cette fois, au service de règles administratives.
C’était une grande annonce en termes d’innovation managériale lorsque Zappos annonça, à la fin 2013 sa conversion à l’holacratie. La filiale d’Amazon spécialisée principalement dans la vente en ligne de chaussures, de vêtements et d’accessoires divers employait alors 1 500 employés et générait des revenus d’environ deux milliards de dollars américains.
À ce jour, plus de 400 entreprises se sont converties à l’holacratie (8). Zappos n’était pas la première mais la plus grande, à l’époque, à emboîter le pas.
Comme on peut s’y attendre, l’arrivée de l’holacratie ne s’est pas faite sans heurts. Notamment pour les gestionnaires en place chez Zappos qui, du jour au lendemain, se voyaient ainsi dépossédés de l’autorité formelle dont ils se drapaient depuis des années.
En avril 2015, Tony Hsieh insatisfait du rythme d’implantation de l’holacratie chez Zappos, invitait même les employés malheureux dans ce contexte holacratique à quitter l’entreprise, avec pleine compensation financière. Ils ont été 210, soit 14 % de la force de travail de Zappos, à saisir la balle au bond (9).
L’holacratie est davantage une philosophie de gestion qu’un modèle d’affaires. L’idée de rapprocher la décision de la personne qui ‘’fait’’ (qui réalise les activités) est louable et l’auto-gestion a de fortes qualités de mobilisation maintes fois démontrées. En ce sens, cette approche est porteuse d’intérêt et d’inspiration.
Lorsqu’appliqué comme un système de gestion, l’holacratie génère des délais et de la bureaucratie. Paradoxal pour une approche qui est née de l’objectif de mieux adapter l’organisation au monde changeant qui l’entoure.
Ceci étant dit, Lise Fecteau, Présidente de Groupe Régitex, confond les sceptiques. Au CultureFest de Gsoft, elle a présenté un plaidoyer en faveur de l’holacratie qu’elle a implanté dans son entreprise depuis quelques années. Le succès de l’initiative dans son entreprise est supporté par des résultats financiers (vente et de profitabilité) meilleurs que jamais.
(1) Concept inventé par Brian Robertson en 2007.
(2) L’holacratie, la panacée de nos maux organisationnels
(3) L’holacratie ou être mieux servi par soi-même
(4) 5 choses à savoir sur l’holacratie
(5) L’holacratie : comment ça marche ?
(6) 5 choses à savoir sur l’holacratie
(7) Le groupe américain qui avait fait le pari de supprimer toute hiérarchie s’en mord les doigts
(8) Entreprises : osez l’holacratie
(9) Richard Feloni, Inside Zappos CEO Tony Hsieh’s radical management
[Auteur(e)] Annie Boilard
Annie Boilard, BAA, MBA, M. Sc., CRHA, est présidente du Réseau Annie RH. Elle œuvre en formation (développement des compétences) depuis bientôt 20 ans. En plus d’être une professionnelle en ressources humaines et une animatrice séniore, elle est une entrepreneure et une gestionnaire d’entreprise (et d’équipe) expérimentée. Au quotidien, Annie travaille à titre de formatrice et de coach auprès de leaders et de professionnels afin de développer leurs compétences comportementales et leurs habiletés à travailler ensemble. Elle est également chroniqueuse sur 4 stations de radio hebdomadairement, conférencière, blogueuse, notamment pour Les Affaires et auteure. Elle est souvent interpellée à titre d’experte sur la vie au travail, le monde du travail, le leadership et la gestion des ressources humaines. |
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