À écouter les médias, c’est à croire que la pénurie de main-d’œuvre est partout et qu’il est difficile de recruter des candidats de tous les métiers. Conséquemment, des gestionnaires conservent en emploi des employés à faible performance. Ils se disent qu’il vaut mieux avoir quelqu’un de peu productif que personne. De leur côté, les employés prennent des décisions de carrière telle que démissionner de leur poste basées sur la croyance qu’il sera facile de trouver un nouveau boulot. Pourtant, il n’en est rien! La pénurie de main-d’œuvre n’est pas uniforme dans tous les domaines ni les régions du Québec. Dans certains cas, des employeurs pourraient recruter des candidats plus performants et les employés peiner à trouver un nouvel emploi.
Les employés rois, ceux pour lesquels les entreprises compétitionnent férocement sur le marché des talents sont d’abord les employés sans diplomation. Il y a ensuite les employés professionnels et les techniciens. Certes, quelques champs d’expertise requérant un diplôme universitaire sont aussi très convoités. Il n’est pas facile d’attirer des professeurs, des informaticiens, des comptables, des recruteurs. Il ne faudrait toutefois pas croire qu’il en est ainsi pour la majorité des disciplines universitaires.
Selon le bilan de l’emploi de l’institut du Québec, en début d’année, il y avait trois fois plus de postes vacants ne requérant pas de diplôme que d’employés disponibles à pour l’emploi ayant ce profit.
Toujours selon l’Institut du Québec, à cette même période, il y avait plus de 15% plus de diplômés universitaires que de postes vacants requérant ce niveau d’éducation. (1)
Les régions géographiques aussi connaissent des réalités différentes. Le Centre du Québec, avec un taux de chômage sous les 3%, et plusieurs régions du Québec connaissent un taux de chômage plus bas que le +/-5% recensé à Montréal ou le +/-6% de Lanaudière. (2)
Difficile d’exposer ces données et de supporter la persévérance scolaire simultanément. En ce sens, gardons en tête que la situation actuelle à l’avantage des employés sans diplôme (incluant sans diplomation secondaire) est appelée à évoluer. Une fois le creux de la vague de la pénurie de main-d’œuvre prévue pour 2030, ces employés pourraient être moins prisés.
Selon le Forum économique mondial (3), l’intensification de l’intelligence artificielle dans nos organisations chamboulera intensément nos environnements de travail. Cela devrait s’opérer au cours des cinq prochaines années. À cet effet, il est anticipé que pendant cette période, six terriens sur 10 doivent réapprendre à faire leur métier avec l’ordinateur. Les employés à l’aise avec l’informatique (ou formés en technologie et en informatique) deviendront les nouveaux employés rois.
Aux États-Unis, 40% à 45 % de la main-d’œuvre font partir de ces employés rois tant convoités par les entreprises. Bien que nombreux, cette population équivaut à moins d’un employé sur deux. La couverture médiatique dédiée à la pénurie de main d’œuvre s’explique en partie par le rôle crucial de ces employés. Sans eux, les valises ne sont pas embarquées dans l’avion. Il en est de même pour les assiettes ne sont pas livrées aux tables et les colis ne se rendent pas aux paillassons. Comme ces employés portent une grande partie du service à la clientèle promis par les organisations, lorsqu’il y a du sable dans les engrenages, les conséquences sont énormes Ces dernières sont facilement observables par les clients. Par conséquent, nous en parlons beaucoup, incluant dans les médias.
Présentement au Québec, nous avons environ ¼ de millions d’emplois à pourvoir. Il est anticipé qu’en 2030, 1 million de postes seront vacants. (4) Ce n’est pas à dire que la pénurie n’est pas réelle et ne s’intensifiera pas. En contrepartie, il ne faudrait pas croire qu’il est des plus difficile de recruter tous les profils d’employés. Certains talents sont disponibles sur le marché.
Aux employés qui souhaitent changer d’emploi, si vous ne faites pas partie des profils et des métiers les plus convoités, il pourrait être sage de trouver votre prochain défi professionnel avant de démissionner. Il faudrait aussi assumer que quelques semaines voire plus d’un mois pourraient s’écouler avant que vous trouviez l’emploi désiré. Lorsque l’on croit, à tort, que la pénurie de main d’œuvre est omniprésente, il peut être troublant de ne pas ressentir d’intérêt pour sa candidature. Cela est d’autant plus vrai après quelques tentatives. Dans certaines situations, il n’y a rien d’anormal dans ce scénario.
(1) https://institutduquebec.ca/wp-content/uploads/2023/02/20230209-IDQ-BILAN-DE-LEMPLOI-2022-AU-QUEBEC.pdf p.31
(2) https://statistique.quebec.ca/fr/produit/tableau/indicateurs-mensuels-emploi-et-taux-de-chomage-par-region-administrative
(3) https://www3.weforum.org/docs/WEF_Future_of_Jobs_2023.pdf
(4) https://www.ledevoir.com/interactif/2022-08-23/penurie-maindoeuvre/index.html
[Auteur(e)] Annie Boilard
Annie Boilard, BAA, MBA, M. Sc., CRHA, est présidente du Réseau Annie RH. Elle œuvre en formation (développement des compétences) depuis bientôt 20 ans. En plus d’être une professionnelle en ressources humaines et une animatrice séniore, elle est une entrepreneure et une gestionnaire d’entreprise (et d’équipe) expérimentée. Au quotidien, Annie travaille à titre de formatrice et de coach auprès de leaders et de professionnels afin de développer leurs compétences comportementales et leurs habiletés à travailler ensemble. Elle est également chroniqueuse sur 4 stations de radio hebdomadairement, conférencière, blogueuse, notamment pour Les Affaires et auteure. Elle est souvent interpellée à titre d’experte sur la vie au travail, le monde du travail, le leadership et la gestion des ressources humaines. |
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